RésuméIdentification et risques : le TFA, un composé de la famille des PFAS, a été détecté dans toutes les unités de production d’eau potable du territoire d’atlantic’eau. Ce polluant provient très probablement en majorité de la dégradation de pesticides tels que le flufénacet ou bien encore le fluopyram. Bien que le TFA soit reconnu pour sa persistance et sa capacité à s’accumuler dans la chaine alimentaire, les risques sanitaires restent mal définis. Des études ont suggéré une toxicité reproductive, mais peu de recherches sont disponibles sur ses effets à long terme. Actions mises en place : atlantic’eau travaille à fiabiliser les résultats des mesures de TFA, car des variations entre les laboratoires ont été observées. Atlantic’eau poursuit des recherches pour identifier l’origine précise de la pollution. Les recherches se concentrent également sur l’évaluation des solutions de traitement car le charbon actif est inefficace contre le TFA.
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L’acide trifluoroacétique ou TFA :
Ce que l’on sait :
Le TFA est l'un des plus petits membres de la famille des PFAS dit polluants éternels (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées). En zone urbaine, les principales sources de TFA proviennent des industries utilisant des produits chimiques fluorés. Les gaz fluorés utilisés dans certains procédés industriels peuvent également être une source importante. De plus, les médicaments fluorés et les produits chimiques utilisés dans des applications variées en milieu urbain, comme les solvants, peuvent libérer du TFA lors de leur dégradation ou utilisation. En zone rurale (qui correspond au territoire d’atlantic’eau), le TFA proviendrait principalement des pesticides, notamment ceux comme le flufénacet ou bien encore le fluopyram, un herbicide et un fongicide couramment utilisés. Dans ce cas, le TFA serait produit par la dégradation des pesticides fluorés présents dans les sols ou l’eau de pluie.
Le TFA est largement retrouvé dans les eaux à l’échelle mondiale. Une étude de Générations Futures1 indique que la problématique concernerait l’ensemble du territoire français. En Belgique par exemple, dans des régions comme la Wallonie, où l'activité agricole est élevée, les niveaux de TFA dans l'eau du robinet ont atteint de fortes concentrations, allant jusqu'à 2,4 µg/L dans certaines villes. En Suisse, une analyse dans les eaux souterraines en 2022 et 2023 dans le cadre d'une étude pilote de la surveillance nationale des eaux souterraines démontre la présence généralisée du TFA. Dans les zones situées à plus de 1 000 mètres d’altitude, comme les Alpes et les Alpes du Sud, les niveaux sont constamment inférieurs à 0,6 µg/L. En revanche, dans les régions agricoles, plus de 60 % des sites de surveillance montrent des concentrations comprises entre 1 et 5 µg/L.
L’eau n’est malheureusement pas le seul « aliment » contaminé. En effet, un rapport européen de 20172 révèle que le TFA a été fréquemment détecté dans de nombreux produits d'origine végétale. Par exemple, des niveaux élevés ont été trouvés dans des raisins d’Italie jusqu'à 230 µg/kg, des céréales d’Allemagne jusqu'à 280 µg/kg, des abricots français jusqu'à 76 µg/kg, le maximum revenant aux herbes fraîches, comme le romarin d’Israël atteignant jusqu'à 4800 µg/kg. Ces résultats montrent la présence significative de TFA dans divers produits alimentaires, avec des variations notables selon le type de produit et le pays d'origine. En comparaison, les premières évaluations de TFA retrouvé dans l'eau minérale et l'eau du robinet en France sont généralement beaucoup plus faibles, soulignant une contamination plus marquée dans les produits agricoles.
Sur le territoire d’atlantic’eau, le TFA a été détecté, et la présence confirmée sur tous les sites de production d’eau potable : Nort-sur-Erdre, Saffré, Massérac, Basse-Goulaine, Saint-Philbert-de-Grandlieu, Saint-Mars-du-Désert, Ancenis, Saint-Michel-Chef-Chef, Machecoul, Soulvache, Missillac, Saint-Gildas-des-Bois, Saint-Sulpice-des-Landes.
Ce qu’il reste à établir :
Les recherches conduites par atlantic’eau sur le TFA en sont à leurs prémices. De nombreux éléments demandent à être confirmés.
1. Fiabiliser les résultats
La quantité de TFA présente sur les différents sites n’a pas encore pu être établie précisément. Trois laboratoires qui sont en capacité d’analyser cette molécule ont été sollicités par atlantic’eau. Cependant, les résultats montrent des différences dans les résultats obtenus entre les trois laboratoires pour les divers échantillons et les deux premières campagnes de mesures. Atlantic’eau travaille encore avec les laboratoires pour fiabiliser la précision des résultats et comprendre les différences entre les campagnes de prélèvements. Ces aléas sont fréquents sur des sujets aussi nouveaux.
2. Consolider les connaissances autour du TFA
L’origine de la présence de TFA : sur le territoire d’atlantic’eau l’origine du TFA n’est pas clairement identifiée. Elle pourrait être liée à la dégradation d’un ou plusieurs pesticides : le flufénacet mais aussi le fluopyram. Un travail d’identification des sources de TFA a débuté.
La norme : il n’existe à ce jour pas de norme concernant le TFA. La fixation de la norme est en attente de l’avis de l’ANSES. Cependant, il est à noter que le flufénacet est classé perturbateur endocrinien depuis le 27 septembre 2024 et que son interdiction a été examinée par l’Europe le 4 décembre 2024. Le TFA, en tant que métabolite du flufénacet, pourrait d’après la méthodologie de l’ANSES être classé comme « pertinent ». Dans ce cas, la valeur réglementaire à ne pas dépasser pourrait être de 0,1 µg/L. Générations Futures1 indique que les autorités néerlandaises ont quant à elles proposé une norme pour l’eau potable de 2,2 µg/L.
Les risques pour l’homme : il existe peu d’études sur les risques environnementaux et sanitaires du TFA. Une récente étude de Bayer sur la toxicité reproductive du TFA chez le lapin a révélé de graves malformations fœtales. D’autres études3 suggèrent une accumulation du TFA dans les organismes et donc dans la chaine alimentaire.
Les solutions de traitement du TFA : la technique de l’osmose inverse pourrait se révéler efficace pour traiter le TFA. Cependant, l’osmose inverse est une technique de traitement extrêmement coûteuse, très énergivore et fortement consommatrice d’eau. Cette technique suppose également l’ajout, dans l’eau produite, de sels minéraux nécessaires à l’organisme humain (étape de reminéralisation). Par ailleurs, les rejets générés par l’osmose inverse, peuvent concentrer les micropolluants : la question du traitement de ces rejets reste posée.
Pour la suite, un premier point d'information sera donné au cours du prochain semestre, avec pour objectif de communiquer des résultats précis et consolidés pour l’ensemble du territoire d’atlantic’eau. Toutefois, il est important de souligner que, quel que soit le résultat à venir de ces dosages, nous savons déjà que le TFA est présent à des taux dépassant les 0,1 µg/L.
C’est la raison pour laquelle atlantic’eau poursuit la recherche de solutions curatives, sachant que les solutions technologiques actuelles présentent de fortes limites.
Pour conclure, le rapport interministériel IGAS n°M2023-0964 souligne la nécessité d’interdire l’usage des pesticides sur les aires de captage d’eau potable, une mesure cruciale pour prévenir la contamination des ressources en eau par les pesticides et leurs métabolites. Cette recommandation rejoint la position d’atlantic’eau, qui a adopté une motion en faveur d'un "zéro pesticides" sur ces aires, représentant seulement 3,5 % de la surface agricole utile en Loire-Atlantique.
Les élus d’atlantic’eau, confrontés aux crises récurrentes de pollution de l’eau potable, considèrent cette restriction comme la seule solution viable pour protéger durablement ces zones sensibles. Ainsi, pour rendre cette transition possible, il est indispensable de mettre en place des moyens juridiques adaptés et des dispositifs d’accompagnement renforcés pour aider les agriculteurs à adopter des pratiques agricoles plus durables, tout en garantissant la viabilité économique de leurs exploitations.
1 Source Générations Futures : https://www.generations-futures.fr/actualites/eau-potable-pfas-tfa/
2 Source : Residues of DFA and TFA in Samples of Plant Origin Version 1 (last update: 5.06.2017) l'EURL-SRM : https://www.eurl-pesticides.eu/userfiles/file/eurlsrm/eurlsrm_residue-observation_tfa-dfa.pdf
3 Environ. Sci. Technol. 2024, 58, 19925−19935 : https://doi.org/10.1021/acs.est.4c06189
4 Rapport interministériel IGAS n°M2023-096, CGAAER n° 23111, IGEDD n°015411-01 : Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine